Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CAMPUS MARTIUS

CAMPUS MARTIUS

CAMPUS MARTIUS, Champ de Mars. On appelait ainsi, non-seulement à Ilome, mais aussi dans les villes qui furent construites sur le modèle de Rome, un ter CAM 866 CAM rain spécial, consacré au dieu Mars et affecté aux exercices militaires et aux réunions des comices. A Rome, le Champ de Mars, ou, comme on (lisait en abrégeant, le Champ 1, était une plaine située sur la rive gauche du Tibre, qu'elle séparait de l'enceinte de la ville, et dominée par les collines du Capitole et du Quirinal. A l'une de ses extrémités était dressé l'autel de Mars 2, le dieu des Sabins. Les rois sabins avaient, à ce qu'il semble, consacré toute cette plaine à la religion, et elle dut conserver cette destination sous les rois étrusques. On reprocha comme une usurpation à Tarquin le Superbe de l'avoir ensemencée ; mais il est probable que la possession et la jouissance lui en étaient en partie attribuées comme une des conséquences de ses fonctions sacerdotales 3 Après l'expulsion des rois, le peuple, retenu par un scrupule religieux, n'osa pas toucher à la moisson. Le sénat ordonna que les blés coupés et déjà placés sur l'aire fussent jetés dans le fleuve °. On ajoutait, mais la tradition paraît peu vraisemblable 5, que cet amas de paille et de grains, en retenant alentour les alluvions, avait donné naissance à l'île (Tiberinainsula) qu'on voit encore au milieu du 'fibre. L'usurpation véritable de Tarquin était bien plutôt, aux yeux du peuple, d'avoir supprimé ses assemblées en centuries instituées par Servius Tullius; c'est sans doute le lieu où elles se réunissaient qu'il avait usurpé. Lorsque ces assemblées furent rétablies, ce qui était devenu domaine privé (ager regius), fut rendu au domaine public (publteatus). Le Champ de Mars tout entier demeura dès lors réservé aux réunions des comices, aux exercices militaires ou gymnastiques 6 et, en général, aux assemblées et aux cérémonies que les lois ne permettaient d'accomplir qu'en dehors de l'enceinte de la ville [POMERIUM]. En effet, dès que le peuple s'assemblait en masse, que ce fût pour voter des lois, rendre des jugements, élire des magistrats, se former à la manoeuvre, passer la revue des armes, procéder au recensement [OENSUS] ou à la purification générale [LUSTnua] qui le terminait ; il était l'armée (exercicus), à qui il n'était pas permis de franchir cette limite sacrée, et soumis à la rigoureuse discipline de l'I;vlrEaturl, qui ne la dépassait jamais 7 ; il marchait sous les étendards au son de la trompette, et se rangeait, selon les circonstances, soit par tribus formées de citoyens habitant un même quartier [TRIBUS], soit par centuries composées d'hommes rapprochés par la fortune [cosnviA]. Les tribus pouvaient se réunir au dedans aussi bien qu'au dehors de Rome ; toutefois c'est au Champ de Mars que se faisaient à la fin de la république les élections des tribuns, des édiles, des questeurs 8. Les centuries s'assemblèrent toujours au Champ de Mars 9. La tenue des comices exigeait des constructions spéciales : elles furent d'abord faites en planches ; un simple parc à moutons (ovile, septa), recevait successivement les groupes des citoyens10. Au déclin de la république seulement, puis sous Auguste 11, ces planches furent remplacées par de superbes portiques se reliant d'un côté à un édifice couvert où s'opérait la vérification des suffrages, le diribitorium; de l'autre à la villa publica, bâtiment rustique à l'origine, qui fut transformé en un palais orné de peintures et de statues, c'est là que se tenaient les prêtres et les magistrats pendant les cérémonies'"-. En temps ordinaire les septa étaient ouverts à la foule oisive et au commerce, qui y étalait toutes sortes de marchandises de luxe I3 Les eaux de l'Aqua Virgo, descendant de la hauteur qui s'appelle aujourd'hui le Monte Pincio, étaient conduites sur des arcades jusque devant les septa 11. Elles alimentèrent les vastes thermes qu'Agrippa construisit au milieu de l'ancien Champ de Mars de la république, de plus en plus restreint par les édifices magnifiques dont il se couvrit depuis cette époque. « C'est dans le Champ de Mars, dit Strabon 15, qui avait été témoin de ces changements, que la plupart des monuments (dont Auguste et sa famille embellirent Rome) ont été érigés, de sorte que ce lieu, qui devait déjà tant à la nature, se trouve avoir reçu tous les embellissements de l'art. Aujourd'hui avec son étendue prodigieuse, qui, en même temps qu'elle laisse une ample et libre carrière aux courses de chars et à toutes les évolutions équestres, permet encore à une jeunesse innombrable de s'exercer à la paume, au disque, à la palestre ; avec tous les beaux ouvrages qui l'entourent, les gazons si verts qui toute l'année y recouvrent le sol, les collines enfin d'au delà du Tibre, qui s'avancent en demi-cercle jusqu'au bord du fleuve, comme pour encadrer toute la scène, cette plaine du Champ de Mars offre un tableau dont l'oeil a peine à se détacher. Ajoutons que, tout à côté, et indépendamment d'une autre grande plaine bordée et entourée de portiques, il existe plusieurs bois sacrés, trois théâtres, un amphithéâtre et différents temples tous contigus les uns aux autres et que, comparé à ce quartier, le reste de la ville ne paraît plus, à proprement parler, qu'un accessoire. Pour cette raison et parce que ce quartier avait pris à leurs yeux un caractère plus religieux, plus auguste que les autres, les Romains y ont placé les tombeaux de leurs morts les plus illustres, hommes ou femmes 16. Le plus considérable de ces tombeaux est le mausolée d'Auguste, etc. 'T. Un des fragments du plan antique de Rome conservé au Capitole montre la disposition des sept allées de portiques couverts qui terminaient les septa au levant ; mais ce fragment ne donne pas de lumière quant aux constructions environnantes, ni sur la topographie du Champ de Mars en général, et nous ne croyons pas nécessaire de le reproduire ici i8. Lorsque les cités provinciales imitèrent Rome à l'envi, 1 C1 867 d CAl0v chacune voulant avoir, comme la capitale, ses théâtres, ses thermes, ses basiliques, son capitole, elles eurent aussi leur Champ de Mars : ce fait a été mis particulièrement en lumière lors de la découverte de celui de Vesontio (Besançon), par un savant antiquaire de cette ville u, M. Castan, Fpli a reconnu avec une grande sagacité dans les restes d'un édifice antique qui occupait un lieu appelé par les chartes latines Campus martius, et auquel est resté attaché le nom populaire de Chamars, des constructions répondant à toutes les exigences d'un lieu pareil : vaste emplacement pour les réunions populaires, division en sections dont le nombre égalait celui des quartiers de Besançon jusqu'à la révolution française, locaux spéciaux pour le dépouillement des votes et pour les opérations du recrutement et du cens. M. Castan pense avec raison, à cause du rôle considérable que jouait le Champ de Mars dans la vie des citoyens de Rome, que les villes de province, en adoptant les mêmes habitudes, durent affecter à cette destination un morceau de leur territoire. E. Storm.